Mgr Armand Maillard va célébrer, dimanche 2 septembre,
une messe en latin, comme autrefois, en l’église des Cordeliers à Laval.
Il nous en explique les raisons, ainsi que le contenu de la lettre du pape
Benoît XVI sur la messe en latin et revient sur les événements de
Niafles.
• Le pape Benoît XVI, a publié le 7 juillet un Motu
proprio, qui doit entrer en vigueur le 14 septembre, pouvez-vous nous
expliquer le contenu de cette lettre papale et ce que cela va changer pour
les catholiques mayennais fidèles à la liturgie traditionnelle ? Quel est
le but de ce Motu proprio ? Je crois que c’est un effort de
réconciliation que souhaite le Pape, " parvenir à une réconciliation
interne au sein de l’Eglise". C’est la motivation d’un pasteur de
rassembler le peuple des fidèles à la suite des différents épisodes avec
Mgr Lefebvre, la rupture qui s’est instaurée, les efforts de conciliation
qui n’ont pas abouti à l’époque… Plus nous tardons à faire cette tentative
d’unité moins on a de chance d’aboutir. Dans le fonds, le pape explique
que l’attachement à la liturgie traditionnelle d’avant le concile Vatican
II, — et au missel romain promulgué par Saint Pie V et réédité par Jean
XXIII—, est l’expression extraordinaire de l’unique rite romain. Il n’y a
pas deux rites mais un seul, c’est la thèse du Pape. Entre ces deux rites,
il n’y a pas rupture, il y a continuité. Pour lui, il y a un rite unique
qui a une forme ordinaire utilisée par la majorité en langue vernaculaire,
et puis la forme extraordinaire, en latin. • C’est à dire que le pape
explique qu’il est permis de célébrer la Messe en latin selon le missel de
Jean XXIII, puisqu’il n’a jamais été abrogé, tout en précisant que " dans
les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la
tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur
demande de célébrer la Messe selon le Missel romain édité en 1962". Pour
vous, de qui s’agit-il en Mayenne ? Je considère, que j’ai anticipé le
Motu Proprio en Mayenne avec l’autorisation que j’ai donnée de célébrer la
Messe selon le rite traditionnel, tous les dimanches, depuis le début
juin, dans l’église des Cordeliers à Laval, répondant ainsi aux attentes
d’un groupe qui existe dans mon diocèse et qui est suffisamment consistant
pour que je le reconnaisse et pour que je lui laisse un espace, dans un
lieu central de la Mayenne, au cœur de Laval. Je tenais à ce que cela soit
dans une église où l’on célèbre aussi l’autre rite, pour montrer que c’est
le même. Je me suis employé à l’expliquer aux prêtres et aux fidèles de la
paroisse. Cela a suscité des inquiétudes, mais je leur ai répondu que ce
rite n’était pas obligatoire. Mais, de l’autre côté, une partie des gens
de Niafles a refusé de venir à Laval et continue de dire sa messe, on ne
sait où. • Mais pour vous, que signifie un groupe stable de fidèles
? Le Pape ne le définit pas, c’est un peu à notre appréciation. Le tout
est de voir comment cela va se terminer. Je sens bien que les gens de
Niafles résistent, ils disent, " nous sommes dans le sud, nous avons le
droit que le Motu Proprio nous soit appliqué". On est devant ça ! • Ne
pensez-vous pas que le Pape, en parlant de groupe stable, évoque
principalement les fidèles de Mgr Lefebvre, la fraternité Saint Pie X,
également présente en Mayenne ? Cela vise tout le monde. Tout le monde
est invité à s’interroger que l’on soit de la fraternité Saint Pie X ou
Saint Pierre (1), tous ceux qui se sentent visés. Si dans la fraternité
Saint Pie X, il y en a qui sont intéressés, pourquoi pas ? Mais, ce que je
crois, ce n’est pas parce que l’on aura une messe en latin que, comme par
miracle, les distances vont être abolies. Le processus de retrouvailles,
de dialogue, de compréhension, de patience, de rencontre entre les deux
communautés sera long. C’est une interpellation à long terme. Que le Motu
Proprio soit un déclic, un déclenchement, un signal, je le souhaite mais,
à mon avis, tout ne sera pas réglé tout de suite. Il faut trouver les
moyens de se redécouvrir, de découvrir le positif qu’il y a chez l’autre.
La crainte qui s’exprime de l’autre côté — (NDLR : les fidèles
attachés à la Tradition)—, c’est la réception du concile Vatican II et de
son enseignement. C’est là dessus qu’il faut discuter aussi :
l’œcuménisme, le dialogue interreligieux … Quant aux groupes stables en
Mayenne, c’est une question d’appréciation. J’ai tendance à penser que
dans un petit diocèse comme le nôtre, de moins de 300 000 habitants, il y
a la place pour la solution que je viens de proposer, c’était mon
hypothèse, on veut me démontrer que ce n’est pas suffisant. Et
d’évoquer l’affaire de Niafles qui a défrayé la chronique de mai à
juillet. J’étais très mécontent que l’on ait organisé des messes en
différents lieux en faisant venir des prêtres sans mon accord.
Normalement, il faut être en communion avec l’évêque pour célébrer la
messe, pour moi, c’est un fait grave, cela ne va pas dans le sens d’une
communion. Je ne vois pas comment l’on peut se servir du Motu Proprio pour
justifier cela. Cela ne facilite pas la recherche d’une solution. J’ai
reçu beaucoup de courrier, je sentais que tout le monde n’était pas
d’accord. Le pasteur que je suis, décide en fonction des chrétiens de mon
diocèse et de mon clergé auquel je tiens à rendre hommage. Je l’ai tenu au
courant et j’ai senti une communion avec les prêtres, ce qui a été un
grand réconfort pour moi. Ce n’est pas moi qui ai fermé l’église de
Niafles, c’est à cause de la médiatisation. J’avais tous les jours des
journalistes du Monde, du Figaro, d’Europe 1, de RTL…… • Depuis le mois
de juin, la messe en latin est dite aux Cordeliers, y a t’il beaucoup de
prêtres en Mayenne qui souhaitent la dire ? J’ai beaucoup tenu à ce que
ne soit pas un seul prêtre qui célèbre cette messe selon le rit tridentin,
mais que le clergé diocésain y soit associé par alternance avec les
prêtres de Chémeré. C’est un gros effort. Ceux qui célèbrent aux
Cordeliers, ce sont des prêtres à qui on l’a demandé. Il faut que l’on
soit présent, c’est aussi ma préoccupation. Ce que je souhaite c’est que
des prêtres assument un minimum de communication et de communion. Je ne
l’ai imposé à personne, j’ai demandé et quelques uns m’ont dit ‘’non ‘’.
Le père Leroy ou Pierre-Marie Perdrix qui ont déjà célébré, me disent
qu’ils retrouvent les gens à la sortie de la messe et que cela se passe
bien. J’ai même quelques remerciements des fidèles. •Dimanche, c’est
vous qui allez dire cette messe, dans quel état d’esprit êtes-vous
? J’ai dit que je prendrai mon tour, on a établi un calendrier, j’étais
libre le 2 septembre. Cette messe, je ne l’ai jamais dite car j’ai été
ordonné fin juin 1970. Je l’ai connue dans mon enfance, je l’ai servie
étant enfant de chœur, mais il faut que je m’y remette. Je suis dans une
phase d’apprentissage mais je ne me sens pas la liberté intérieure comme
lorsque je célèbre dans l’autre rite. J’ai l’impression que je ne serai
pas aussi disponible parce que l’attention remplacera les réflexes mais je
n’ai pas de mauvaise volonté. Je vais faire le mieux possible. Je le fais
parce que je suis l’évêque du diocèse et que j’essaye d’être le pasteur
des fidèles de tout mon diocèse et que je veux être solidaire du pape.
Mais, l’application du Motu Proprio n’est pas si simple que cela. •
Est-ce que les fidèles qui ne vont plus à la messe depuis des années,
parce qu’ils ont été désorientés par la nouvelle liturgie, peuvent
bénéficier du Motu Proprio et en faire la demande à leur curé ? Ce
n’est pas possible que les 31 curés des 31 paroisses de la Mayenne
répondent individuellement aux demandes. Nous n’avons pas les moyens de
répondre à cette demande. Il ne peut pas y avoir de solutions
individuelles. Quand on me dit que l’église des Cordeliers c’est trop
loin, je réponds que mieux vaut une assemblée de 200 personnes que d’une
dizaine et qu’aujourd’hui, quel que soit le rite, les chrétiens sont tous
obligés de faire des kilomètres pour assister à la messe, même ceux qui
sont dans le rite de Paul VI. Il ne faut pas démultiplier indéfiniment
cette possibilité, je trouve que l’on est quand même un petit diocèse.
Et de conclure Franchement, j’ai fait en conscience ce que je
pensais devoir faire, je n’ai aucun regret. Il faut bien avoir une règle
de vie commune. Prenons une comparaison : la mère de famille ne fait pas
deux tables, donc, il faut avoir des motifs graves pour dire : je ne veux
pas partager la table eucharistique. Mais, je suis l’évêque de tout le
monde, y compris de ces gens. Si cela peut aider à un tant soit peu
d’unité, j’espère que l’on y arrivera. Je veux y contribuer. Je ne tiens
pas à faire de la publicité sur cette messe de dimanche mais vous pouvez
dire que tout le monde peut y venir, les portes sont ouvertes.
Françoise
Nouar |